Macron reconnaît une « guerre » française au Cameroun et promet un travail de mémoire
Paris / Yaoundé, 13 août 2025 – Dans une lettre officielle adressée au président camerounais Paul Biya et rendue publique ce mardi, le chef de l’État français Emmanuel Macron a reconnu qu’une guerre avait eu lieu au Cameroun durant la période coloniale, marquée par des violences répressives massives perpétrées par les autorités françaises. Il s’agit de la première reconnaissance explicite par un président français de l’ampleur et de la nature du conflit qui a opposé la France aux mouvements indépendantistes camerounais.
Un rapport historique accablant
Cette déclaration s’appuie sur les conclusions d’un rapport de plus de 1 000 pages, fruit du travail d’une commission conjointe d’historiens camerounais et français, conduite par la chercheuse Karine Ramondy. Commandée en 2022 et remise à Emmanuel Macron le 21 janvier 2025, cette étude couvre la période 1945-1971 et s’appuie sur des archives récemment déclassifiées.
Le document décrit une guerre de décolonisation, avec son cortège de massacres, déplacements forcés, destructions de villages, exécutions extrajudiciaires, emprisonnements arbitraires et censure politique. Il chiffre les victimes à des dizaines de milliers dans les régions du Sud et de l’Ouest, entre 1956 et 1961.
Une guerre qui s’est prolongée après l’indépendance
Dans son courrier, Emmanuel Macron souligne que le conflit ne s’est pas arrêté en 1960, année de l’indépendance du Cameroun. Il admet que la France a continué à soutenir militairement et politiquement les autorités camerounaises nouvellement indépendantes dans leur lutte contre les groupes rebelles.
Le président français évoque notamment l’épisode d’Ekité, le 31 décembre 1956, qui fit de nombreuses victimes, ainsi que la mort, lors d’opérations militaires placées sous commandement français, de quatre figures emblématiques de l’indépendance : Isaac Nyobè Pandjock, Ruben Um Nyobè, Paul Momo et Jérémie Ndéléné.
Des engagements pour la mémoire
Emmanuel Macron annonce vouloir ouvrir davantage les archives, financer de nouvelles recherches et créer un groupe de travail franco-camerounais chargé de mettre en œuvre les recommandations du rapport. L’objectif affiché : favoriser la reconnaissance des faits, encourager le dialogue mémoriel et renforcer les relations bilatérales.
Pour le chef de l’État français, cette reconnaissance constitue « une étape indispensable pour regarder ensemble notre histoire en face » et tourner la page sur « un conflit longtemps occulté ».
Un chapitre longtemps passé sous silence
La « guerre du Cameroun » reste l’un des épisodes les plus méconnus de l’histoire coloniale française. Contrairement à la guerre d’Algérie, elle n’a jamais été officiellement nommée comme telle dans les discours officiels. Plusieurs historiens parlent d’une guerre cachée, restée dans l’ombre en raison de la censure et de la stratégie de discrétion adoptée à l’époque par Paris.
La reconnaissance présidentielle pourrait ouvrir la voie à des initiatives de réparation symbolique et à une meilleure intégration de cette histoire dans l’enseignement en France et au Cameroun.