La guerre technologique mondiale entre les grandes puissances comme la Chine, les États-Unis et la Russie a des implications profondes et complexes, et l’Afrique, bien que n’étant pas un acteur majeur sur le plan technologique à l’échelle mondiale, se trouve au carrefour de ces tensions. Voici une analyse de la place actuelle et future de l’Afrique dans cette guerre technologique :
L’Afrique : une terre de confrontation indirecte dans la guerre des technologies
1. Absence d’autonomie technologique
Actuellement, l’Afrique est largement dépendante des technologies et des infrastructures des grandes puissances. Les États-Unis, la Chine et l’UE dominent l’exportation de technologies et l’infrastructure numérique, en particulier dans les secteurs des smartphones, des plateformes numériques, des logiciels, de l’Internet des objets, et des infrastructures réseau. Ces pays ont souvent la capacité de dicter les normes et les réglementations, ce qui met l’Afrique dans une position vulnérable face aux décisions géopolitiques mondiales.
2. Le phénomène des “technologies imposées”
L’Afrique reste en grande partie un récepteur de technologies étrangères, sans capacité significative à imposer ses propres produits numériques à une échelle mondiale. Par exemple, des plateformes comme Facebook, WhatsApp, Google, Twitter et TikTok dominent le marché numérique africain. Les entreprises chinoises, comme Huawei et Alibaba, ont aussi une forte présence, avec des investissements dans les infrastructures technologiques et des plateformes comme WeChat qui connaissent une popularité croissante.
3. Les intérêts divergents des grandes puissances en Afrique
En Afrique, les rivalités géopolitiques se manifestent par des investissements technologiques concurrentiels. La Chine investit massivement dans les infrastructures numériques et la connectivité, notamment par l’intermédiaire du programme “Belt and Road Initiative”. Elle a également introduit des technologies comme 5G via Huawei, ce qui place certains pays africains au centre des tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis, par exemple.
Les États-Unis, pour leur part, ont fait pression sur certains pays africains pour éviter les investissements chinois dans les technologies sensibles, notamment en matière de télécommunications et de données. Cela s’est manifesté par des campagnes diplomatiques, des aides financières ou des pressions pour interdire les équipements de Huawei et d’autres entreprises chinoises dans leurs réseaux.
4. Opportunité pour l’Afrique : Le développement des “technologies africaines”
L’Afrique est cependant dans une position stratégique intéressante. Bien qu’elle ne puisse pas rivaliser directement avec les grandes puissances en termes de volume de technologies développées, elle a l’opportunité de créer des solutions adaptées à ses propres besoins et défis, tout en étant influencée par les tendances mondiales. La montée des startups africaines dans des domaines comme la fintech, l’agritech, la santé numérique et la mobilité témoigne d’une prise de conscience croissante des besoins spécifiques du continent.
Exemples :
- M-Pesa en Afrique de l’Est (Kenya, Tanzanie) a révolutionné les paiements mobiles.
- Jumia, une entreprise de commerce en ligne qui est parfois surnommée l’« Amazon africain ».
- Des entreprises comme Andela et Flutterwave sont en train de se faire une place parmi les leaders technologiques africains. Cependant, ces initiatives n’ont pas encore atteint une échelle mondiale comparable à celle des géants technologiques mondiaux, et les défis d’infrastructure, de régulation, de financement et de compétitivité restent importants.
5. Le défi de l’infrastructure numérique
L’une des plus grandes barrières à l’autonomie numérique de l’Afrique est l’insuffisance des infrastructures. De nombreux pays africains sont encore sous-développés en termes d’accès à Internet rapide et fiable, à des technologies de pointe comme la 5G et à une véritable couverture numérique. De plus, les tensions géopolitiques entre la Chine, les États-Unis et l’Europe affectent également les investissements dans les infrastructures numériques en Afrique, limitant les possibilités d’accès libre et non entravé à Internet.
6. Une opportunité de partenariat et de leadership technologique africain ?
Bien que l’Afrique n’ait pas encore développé d’énormes entreprises technologiques mondiales, elle peut tirer parti de son rôle stratégique pour servir de terrain neutre dans la guerre des technologies. Des partenariats technologiques avec des pays non occidentaux, comme la Chine et la Russie, mais aussi des collaborations avec des entreprises occidentales, peuvent permettre à l’Afrique de se positionner comme un acteur indépendant, tout en développant une industrie technologique locale.
Quelles sont les solutions à explorer pour l’Afrique ?
1. Investir dans l’éducation et la recherche technologique
L’Afrique doit investir massivement dans l’éducation et la formation des talents locaux, en particulier dans les domaines des sciences informatiques, de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité. De nombreuses initiatives éducatives et des programmes de formation sont déjà en cours dans des pays comme le Kenya, l’Afrique du Sud et le Nigéria, mais il faudra étendre ces efforts à une échelle continentale pour favoriser l’émergence d’une véritable industrie technologique.
2. Créer des écosystèmes d’innovation locaux
Encourager les startups locales, les incubateurs et les accelerators pour faciliter la croissance des entreprises numériques africaines. Le soutien aux entreprises émergentes et la mise en place d’infrastructures permettant à ces entreprises d’accéder aux marchés mondiaux seront cruciales pour donner naissance à de futurs géants technologiques africains.
3. Renforcer l’intégration régionale et les initiatives continentales
L’Union africaine (UA) et la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont un rôle majeur à jouer en soutenant l’intégration numérique régionale. Des initiatives comme la Pangea Africa Digital Initiative ou le Free Trade Area (AfCFTA) peuvent faciliter la circulation des idées, des talents et des capitaux à travers le continent.
4. Mettre en place des politiques numériques indépendantes
L’Afrique doit également mettre en place ses propres régulations numériques pour éviter de devenir une victime collatérale dans la guerre technologique entre grandes puissances. Les gouvernements africains doivent travailler à définir une régulation plus robuste de la technologie, de la protection des données et de l’accès à Internet.
Pour conclure, l’Afrique se trouve à un carrefour géopolitique et technologique crucial. Bien qu’elle n’ait pas encore la capacité de rivaliser avec les grandes puissances, elle a un potentiel unique pour devenir un acteurs clé dans le développement des technologies numériques adaptées à ses besoins. En promouvant des politiques innovantes et en tirant parti de ses partenariats stratégiques, l’Afrique pourrait non seulement se défendre contre les tensions géopolitiques mondiales, mais aussi ouvrir la voie à une autonomie technologique à long terme.