Autrefois leader des puces électroniques, Intel n’est plus que l’ombre de lui-même.
Une situation abasourdissante. Autrefois incontestable, Intel traverse aujourd’hui une période particulièrement troublée, la rendant vulnérable face à des concurrentes plus solides.
La valeur d’Intel a dégringolé
Intel a trôné pendant des années au sommet de l’industrie technologique. Fondée en 1968, la société s’est muée en acteur majeur de la filière des puces électroniques dans les années 80. Sous la direction d’Andy Grove, PDG de 1987 à 1998, l’entreprise a connu une expansion majeure, devenant le premier fournisseur mondial de puces pour ordinateurs personnels, ses processeurs s’instaurant comme un standard en informatique.
Sa condition en 2024 est bien différente : Intel a vu sa capitalisation boursière baisser de 70 % depuis 2020. Une chute vertigineuse qui, forcément, attire les convoitises d’investisseurs gourmands. À commencer par le numéro 1 des puces pour smartphones, Qualcomm. Une telle acquisition, si elle est approuvée, serait faramineuse, peut-être l’une des plus importantes de l’histoire de l’industrie technologique.
Rien n’est encore sûr et Intel tente, de son côté, de rationaliser ses dépenses. Le fabricant a opéré plusieurs vagues de licenciement depuis 2022, dont une récente affectant 15 000 employés. Elle a également décidé de mettre en arrêt ses projets d’implantation d’usines à l’étranger, dont une très attendue en Allemagne.
L’échec cuisant de la fonderie
Le plan de Pat Gelsinger, nommé PDG en 2021, semblait pourtant tenir la route. Ambitionnant de reprendre sa position de leader, effritée par les prouesses technologiques
d’acteurs asiatiques comme TSMC, Intel a créé une toute nouvelle division. Objectif : directement rivaliser avec, justement, TSMC, et Samsung, les deux leaders mondiaux dans la fonderie, c’est-à-dire la production de puces pour d’autres entreprises.
Car jusqu’alors, Intel fabriquait ses propres unités, et elle comptait justement se baser sur cette solide expérience pour se mettre au service des autres et renflouer ses caisses. Logiquement, un tel projet a nécessité des investissements colossaux, rien que pour accroître les capacités de production du groupe.
Aux États-Unis et en Europe, Intel a été galvanisée par les Chips Act, législations visant à accroître la production locale de semi-conducteurs. Souhaitant recevoir d’importantes subventions publiques, elle s’est lancée dans divers projets de construction d’usines. Jusqu’à présent, l’entreprise n’a reçu aucun financement de la part de la Maison-Blanche.
Et elle a essuyé d’autres échecs. Intel a tenté de racheter les spécialistes des semi-conducteurs GlobalFoundries et Tower Semiconductor, afin de renforcer ses activités de fonderie. Mais aucune des opérations n’a été menée à bien. Des erreurs stratégiques ont aussi été commises, par exemple en n’investissant pas assez tôt dans les machines à ultraviolets d’ASML, essentielles pour produire les puces les plus avancées. Forcément, son bilan financier est inquiétant. Intel a subi une perte d’exploitation de 5,2 milliards de dollars en 2022… et de 7 milliards de dollars l’année dernière.
En amont, il ne faut pas oublier que l’activité principale du fabricant a également souffert. Le marché du PC a subi un immense déclin après la pandémie, affectant directement l’entreprise, dont les puces équipent de très nombreux appareils sur le marché.
L’IA, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase
L’essor de l’intelligence artificielle générative, démocratisée au travers de ChatGPT fin 2022, a peut-être scellé le sort d’Intel. La technologie a totalement chamboulé la demande sur le marché des puces en faveur des unités de traitement graphique (GPU) fabriquées par Nvidia.
Ces processeurs sont mieux adaptés à l’entraînement des modèles d’IA et aux calculs massifs, alors qu’Intel s’est concentrée historiquement sur les unités centrales de traitement (CPU), moins efficaces pour ces tâches. « La poussée de l’IA a été beaucoup plus forte que je ne l’avais prévu », a admis Pat Gelsinger lors de l’annonce récente des réductions d’effectifs. Le contraste entre Intel et Nvidia est saisissant : les actions de Nvidia ont été multipliées par plus de 18 en quatre ans.
AMD, concurrent historique d’Intel, a également senti le filon. Si la firme n’est pas au niveau de Nvidia, elle a investi considérablement dans le secteur de l’intelligence artificielle avec une série d’initiatives et de produits conçus pour répondre à la demande croissante en performances de calcul.
Malgré des investissements conséquents dans l’IA, Intel continue d’accuser un retard technologique notable sur ses rivales, comme en témoigne sa puce Gaudi 3. Censée lui permettre de concurrencer les GPU de Nvidia, elle n’a pas rencontré le succès escompté auprès des fournisseurs cloud, principaux acheteurs de ce type d’accélérateurs.
Bousculée sur son marché
L’adoption de l’IA bouleverse, aussi, le marché du PC. Désormais, les constructeurs conçoivent des appareils spécifiquement pensés pour faire tourner la technologie, à l’instar des PC Copilot+.
Pour répondre à cette nouvelle demande dans son champ d’activité historique, où Apple et AMD ont également pris de l’avance, Intel a développé la solution Lunar Lake. Mais le fabricant va devoir démontrer que les performances annoncées se concrétisent. Et même si le succès commercial est au rendez-vous, cela ne garantira pas qu’Intel sera sortie d’affaires, la concurrence dans le secteur s’annonçant de plus en plus féroce.
Intel doit non seulement s’adapter rapidement aux évolutions du marché, mais elle doit aussi anticiper et surmonter les nombreux obstacles qui se dressent devant elle. Pour y parvenir, il est possible que l’entreprise doive compter sur une aide extérieure…